Au-delà des montagnes ****

Au-delà des montagnes ****
(Mountains May Depart)

Sortie le 23/12/2015

Bande-annonce du film
 
Ça parle de quoi ?
 
Un très beau film qui, sous l’apparence de l’histoire anodine d’un triangle amoureux et d’un enfant en quête de sa mère, traite impitoyablement de l’avenir de la Chine à l’heure de la mondialisation, ainsi que de l’importance de connaitre et défendre ses racines.
En 1999, deux jeunes amis tombent amoureux de la même femme dans une Chine encore fière de ses traditions. L’un se satisfait de ce que le présent lui offre, travaille dans les mines et n’a d'autre prétention pour le futur que de l’emplir de joies simples. Tandis que l’autre, ambitieux, est happé par l’avenir qui ne semble se faire que main dans la main avec les américains. Ce dernier conquiert le cœur de la jeune femme. De leur amour nait un mariage, puis un enfant, et un divorce. Dès lors, la vie entière de l’homme divorcé est consacrée à la réalisation de sa success story américaine faite de flambant neuf… Si neuf qu’on ne peut y laisser la trace d’une culture chinoise.  Il éloigne son jeune fils de la mère en déménageant en Australie, où tous deux adoptent une culture qui n’est pas la leur, sous prétexte qu’elle leur offrira l’avenir. Seulement en 2025, le père se souvient de ses origines et de son choix, mais le fils ne sachant pas d’où il vient, ne sait pas d’avantage où il va…
Dans Au-delà des montagnes Jia Zhang-Ke semble trouver les images pour exprimer ce qui habitait déjà ses œuvres précédentes : le mal d’une Chine en mutation, tiraillée entre deux culture diamétralement opposées, comme l’héroïne l’est entre ses deux soupirants. Mais il porte aussi un regard craintif, criant à son cher pays natal de défendre sa culture avant qu’il ne soit trop tard.
La métaphore de l’histoire de la Chine à travers l’histoire sentimentale et familiale de quelques hommes donne une puissance singulière au film. En comprenant les hommes, nous comprenons les états, et en comprenant cette métaphore, notre besoin le plus fort et le plus indicible nous subjugue : celui de connaitre nos racines qu’elles soient historiques ou biologiques. La vraie liberté s’incarne dans une triple exigence ; il nous faut savoir d’où nous venons, pour comprendre où nous sommes, et choisir librement où nous allons.
 
Qui l’a fait ?  
            
Jia Zhang-ke est un cinéaste chinois qui malgré la censure rigide de son pays n’a jamais cessé de lui porter un regard honnête et, nous l’imaginons, juste.
Il a débuté ses études à l’Ecole des Beaux-Arts de Taiyuan, en peinture, et les a terminées à l’Académie du Film de Pékin. Pas moins de quelques mois après la fin de ses études, son premier long-métrage sort, Xiao Wu Artisan Pickpocket (1997). Entre-temps il a créé la première structure de production indépendante de Chine, Youth Expérimental Film Group. Dix ans après, en 2007,  il est membre du Jury au 60ème Festival de Cannes, puis en 2013 son film A Touch of Sin remporte le prix du scénario au 66ème Festival de Cannes, et l’année suivante Jia Zhang-ke est de nouveau membre du Jury du festival français qu’il côtoie décidemment assidûment.
Mais ceci explique cela, Jia Zhang-ke doit sa célébrité aux exportations de ses films, la plus-part d’entre eux étant censurés dans son propre pays — à l’exception de certains, dont Au-delà des montagnes
 
Appréciation : Si ce n’est au moins pour ses immenses qualités cinématographiques, ou pour sa fulgurante réflexion sur la Chine, ce film est à voir pour son éclairage sur le chemin de la liberté… 



C’est pour quel public ?


Des longueurs, une introduction à rallonge, une approche très conceptuelle d’un drame historique… Ce film est à voir, mais nécessite une certaine maturité. Cependant, il est très accessible et facile à comprendre. Avec un peu de patience et de curiosité, laissez-vous porter à travers la belle intelligence et la grande sensibilité de Jia Zhang-Ke dans une épopée au cœur de l’homme.

Verdict : Pour adultes et adolescents. (Une relation amoureuse ambiguë à la fin du film peut être considérée comme inconvenante, mais elle est -- à mon sens -- justifiée par l’histoire et le propos, et ne clôt pas le film maladroitement.)

 

 Juliette Mrc