Chocolat *

Chocolat *

De quoi ça parle :

 

Le clown Footit ne fait plus rire. Sous le patronage du cirque Delvaux, il cherche à monter un nouveau numéro pour relancer sa carrière. Il remarque alors un homme noir au sein de la troupe, un amuseur au rabais qui joue les rois cannibales pour faire frissonner le public. Footit va créer avec lui un duo inédit, l’opposant lui – le clown blanc – à ce Cubain, ancien esclave, qui jouera le rôle de l’Auguste. Celui-ci sera désormais connu sous un nouveau nom de scène : Chocolat.

 

Bande-annonce

 

Qui l’a fait ?

 

Roschdy Zem, comédien français dont c’est le quatrième film derrière la caméra après notamment Omar m’a tuer.

 

Qui joue dedans ?

 

Omar Sy, qu’on ne présente plus depuis son succès retentissant dans Intouchables, lequel a entamé depuis peu une carrière internationale avec un rôle dans Jurassic world.

 

 

James Thierrée, petit-fils de Charlie Chaplin, non-seulement comédien mais aussi artiste de cirque à part entière.

 

 

Est-ce un bon film ?

 

Ne faisons pas durer le suspense : ce film est un biopic raté.

Et pourtant il y avait matière à construire quelque chose avec un pareil personnage. Le clown Chocolat est une figure emblématique du Paris de la Belle époque, un artiste de cirque qui contribua à introduire dans l’esprit des spectateurs français l’idée que des hommes de couleur puissent être aussi des hommes de spectacle. Le tandem qui le rendit célèbre (et qui fut loin d’être son premier engagement en tant que clown) n’était certes pas glorieux pour l’image des noirs de l’époque puisqu’il y apparaissait le plus souvent comme le souffre-douleur de son partenaire, Footit, le « clown blanc ». Mais replacé dans son contexte, leur collaboration a marqué une étape importante du music hall dans notre pays.

Chocolat est donc bien un protagoniste en puissance, un homme issu de l’esclavage et qui s’est construit lui-même à travers des expériences artistiques diverses, dans un milieu qui n’était pas toujours très tendre avec lui malgré son succès évident.

 

En plus de ça, James Thierrée et Omar Sy sont les acteurs parfaits pour incarner les clowns Footit et Chocolat. Le premier est un enfant de la balle, qui comprend l’art du clown mieux que personne et qui maîtrise son corps sur scène d’une façon totalement convaincante. Son allure mélancolique colle de plus parfaitement au caractère d’un clown blanc et il apporte une vraie profondeur au personnage, même dans les scènes plus posées.

Omar Sy, quant à lui, constitue un lien idéal entre l’époque où se situe le film et la nôtre. Par son auto-dérision constante, il rend le spectacle de ces « sketchs » du début du XXième nettement plus regardable pour un public moderne, et par sa bonne humeur et son sourire à toutes épreuves, il atténue le caractère dégradant des passages répétés ad nauseam où il se fait malmener sur scène.

 

 

Dès lors, on pourrait espérer que tout est en place pour construire un film agréable, nous donnant un éclairage nouveau sur une époque que l’on n’a jamais vue du point de vue d’un homme noir, et encore moins d’un homme connaissant un grand succès public. Mais, hélas, l’écriture du scénario n’est pas du tout à la hauteur.

Pourquoi ? Parce que le film s’éloigne énormément de la vérité sur la vie de cet homme. Lui qui s’est construit par des spectacles successifs avec différents artistes avant d’en arriver à son célèbre duo avec le clown Footit, le voilà transformé en bête curieuse d’un cirque fictif, le faux roi cannibale qui grogne devant le public, sans avoir idée qu’il pourrait devenir un artiste à part entière jusqu’à ce que Footit le remarque et le modèle à son image pour en faire son partenaire idéal. On voit mal en quoi le film rend hommage à Chocolat par ce traitement balourd, dans lequel il n’est pas une seule seconde acteur de son propre destin.

Et malheureusement, ce n’est que le début d’une longue, très longue série de clichés tous plus éculés les uns que les autres. Le duo de protagonistes fait face à l’intransigeance d’un directeur de cirque qui ne les comprend pas, englué qu’il est par ses préjugés racistes. Puis c’est le succès instantané, appuyé par un montage bien démonstratif, le contrat pour travailler à Paris, les clowns concurrents jaloux qui attendent le bon moment pour se venger, l’ancienne patronne amère qui dénonce Chocolat à la police, car c’est un « sans-papiers », etc, etc.

 

 

Ce genre de ficelles narratives fait tache dans un film qui prétend réhabiliter une figure oubliée du music hall. Et, comme ni les dialogues ni la direction d’acteurs ne sont au niveau, on a très vite le sentiment de regarder un simple téléfilm, luxueux dans sa reconstitution certes, mais un téléfilm néanmoins.

Et puis, le récit nous entraîne dans d’autres poncifs qui n’ont aucun fondement historique. Voilà que le succès monte à la tête de notre héros, qu’il est criblé de dettes parce qu’il s’acoquine avec des individus louches, qu’il se retrouve arrêté et passé à tabac par une police aux méthodes fascistes, puis reçoit la sagesse d’un émigré plus expérimenté avec lequel il partage un peu d’opium tout en parlant d’intégration… Stop, n’en jetez plus !

 

On aimerait bien voir le cinéma français arrêter un instant de raconter des histoires seulement à travers le prisme des idéologies modernes, et essayer de dépeindre des personnages avec honnêteté intellectuelle. Chocolat aurait pu être incarné de manière fascinante par un acteur comme Omar Sy, et dépeint comme un artiste complet qui a su aller très loin malgré les obstacles d’une société encore très inégalitaire. Mais son portrait est noyé dans un mélodrame facile aux effets prévisibles qui empêchent ses comédiens de faire pleinement leur travail.

Malheureusement pour ce clown atypique, sa véritable histoire demeurera dans le passé. On risque d’attendre bien longtemps avant d’en voir une version moins caricaturale.

 

Appréciation : un film raté et misérabiliste dont le traitement des personnages et de la dramaturgie relève de la fiction télévisuelle la plus banale.

 

 

 

 

C’est pour quel public ?

 

Quelques scènes dures - ajoutées uniquement pour générer un peu de pathos - limitent quelque peu le public visé. De toute façon, vu les longueurs du récit, il est probable que les enfants s’y seraient mortellement ennuyé.

Les scènes d’amour quant à elles sont courtes et sans étalage. On regrettera toutefois que le clown Footit (qui dans la vie a eu deux épouses et plusieurs enfants) soit transformé ici en homosexuel refoulé sans aucune vie familiale. Au cas où le spectateur n’aurait pas compris les allusions faites à son orientation sexuelle, Roshdy Zem nous inflige une grotesque scène de bar gay à la sauce Belle époque dont on se serait bien passé.

 

Verdict : un film à réserver aux adultes et aux adolescents.

 

 

 Romain