Glass

Glass

De quoi ça parle :

 

La Horde court toujours.

Quatre mois après les événements de Split, Kevin Wendell Crumb, homme tourmenté par 23 personnalités aux intentions plus ou moins néfastes, est l'individu le plus recherché aux environs de Philadelphie. Il est traqué par David Dunn, autre célébrité locale, connu sur internet et dans les médias comme un justicier tout droit sorti d'une bande-dessinée. Tous deux se croient dotés de pouvoirs surnaturels et porteurs d'une destinée plus grandiose que celle du commun des mortels. Leur affrontement semble donc inévitable. Mais le jour où David parvient découvrir l'antre de la « Horde », leur combat épique est brutalement interrompu par une section spéciale de la police, dirigée par une psychiatre qui semble en savoir long sur nos deux protagonistes. Cette scientifique aux méthodes discutables s'est fixée comme objectif de soigner les individus qui se prennent pour des super-héros.

 

Date de sortie : 16/01/2019

Durée : 2h 10

Genre : Thriller psychologique

 

Bande-annonce

 

Qui l’a fait ?

 

M. Night Shyamalan, auteur et réalisateur de Incassable (2000) et de Split (2016) dont Glass est la suite, constituant ainsi une trilogie.

 

Est-ce un bon film ?

 

C'est peu dire qu'on a attendu cette suite. Car si Split n'est sorti qu'il y a un peu plus de 2 ans, c'est bien depuis près de deux décennies qu'une trilogie Incassable nous avait été promise par M. Night Shyamalan. Ce premier film était aux yeux de beaucoup de fans du réalisateur son œuvre la plus magistrale, réinvention très audacieuse du mythe du super-héros placé dans un cadre réaliste, voire intime. Il offrait à Bruce Willis l'une de ses toutes meilleures prestations, et le personnage le plus intéressant de sa carrière.

Split était le deuxième volet surprise de cette trilogie, l'exploration d'un personnage plus tourmenté encore que David Dunn qui allait devenir son adversaire naturel. Et la force de l'écriture de Night Shyamalan apparaissait déjà après visionnage de ces deux films qui se révélaient beaucoup plus cohérents qu'on n'aurait pu l'imaginer. Ainsi, en revoyant Incassable, on se rend compte que l'affrontement entre ces deux personnages était déjà annoncé par la couverture du premier comics offert à Elijah Price (le personnage joué par Samuel Jackson) lorsqu'il était enfant. On y voyait un héros vêtu de vert aux prises avec une créature mi-homme mi-animal au pelage orangé.

De même, une scène en apparence anodine d'Incassable dans laquelle David croise brièvement le chemin d'une mère qui maltraite son enfant prend désormais un sens beaucoup plus lourd : si cet enfant n'est autre que Kevin avant que son trouble de la personnalité ne se soit développé, notre justicier a laissé passer sa seule chance de lui venir en aide quand il le pouvait encore.

 

 

Bref, avec tous ces détails intrigants, on pouvait espérer une conclusion mûrement réfléchie à cette trilogie, et force est de constater que la qualité est au rendez-vous. Glass retrouve parfaitement ce mélange d'épique et de minimalisme qui faisait la force d'Incassable. Le grand nombre de personnages à traiter était un défi que Shyamalan relève avec brio. Seul Audrey, l'épouse de David, manque à l'appel, mais son absence est cohérente et traité de façon juste. Kevin et David soit tous deux utilisés comme des co-protagonistes dont l'importance va peu à peu diminuer pour céder la place au véritable maître de cérémonie, Mister Glass. Et si on appréciera de revoir Bruce Willis dans son rôle phare et que l'on applaudira une fois de plus l'incroyable prestation de James McAvoy avec ses rôles multiples, c'est bel et bien Samuel Jackson qui s'impose comme la figure emblématique de ce film. D'abord éteint et silencieux, prisonnier d'un hôpital psychiatrique qui semble lui avoir retiré toute identité, Mister Glass va s'éveiller et devenir la figure mythologique qu'il avait proclamé être à la fin d'Incassable. On apréciera également le travail accompli sur les personnages de la mère d'Elijah, du fils de David et de Cassey, seule survivante parmi les victimes de Kevin dans Split. Tous trois accèdent à un niveau supérieur de caractérisation qui les amène sur un chemin comparable à celui des personnages principaux. Et il faut saluer également l'écriture de Shyamalan dans le traitement qu'il offre aux personnalités les plus marquantes de Kevin : Hedwig, Dennis, Patricia et la Bête ont tous un arc évolutif complet dans ce film et montrent une palette d'émotions remarquables pour les brèves apparitions qui leur sont accordées.

 

 

Mais la raison pour laquelle on se souviendra de Glass, au même titre d'Incassable comme de l'un des meilleurs films de son auteur, c'est pour la sincérité absolue de son propos. En ces temps de cynisme, où il est bien vu de montrer la déchéance des héros et de désenchanter les récits mythologiques, la démarche de Night Shyamalan est, à l'inverse, de forger un mythe dans le cadre le moins propice à la chose. Face à la brutale réalité d'un hôpital psychiatrique, les personnages vont tous douter d'eux-mêmes pour ne plus adopter que le point de vue le plus tristement rationnel qui soit sur leur vie : personne n'a de don surnaturel. Personne n'a de destin particulier. Il n'y a pas de sens à trouver à la vie humaine.

Je ne dévoilerai pas ici comment ce piège odieux va être détruit, mais les différentes étapes du récit jusqu'à l'ascension finale sont un voyage qui élève le spectateur et lui donne envie de croire en lui-même, quelles qu'aient pu être ses expériences passées. Le final semble être la conclusion parfaite à toute la carrière de M. Night Shyamalan, ce grand rêveur qui a toujours su voir l'extraordinaire dans les détails du quotidien. Il accomplit ici son rêve en offrant aux spectateurs une histoire complète sur l'importance des mythes et la manière dont nous pouvons tous nous les approprier.

 

 

Appréciation : après la grande réussite de Split, Night Shyamalan est de retour au sommet avec Glass, qui peut tenir compagnie à Incassable, Sixième sens et Signes parmi les meilleurs films de son auteur.

 

 

 

C’est pour quel public ?

 

Ceux qui ont vu Split savent que ce film était à déconseiller fermement aux plus jeunes, moins pour sa violence que pour la dureté de son sujet. S'il verse moins dans l'horreur que celui-ci, Glass est un thriller psychologique parfois intense qui ne manquera pas de mettre mal à l'aise par moments. La violence, si elle est bien présente, reste très ponctuelle, et jamais montrée de façon frontale. Le message finale en vaut toutefois largement la peine.

Le film nécessite d'avoir vu Incassable et Split et de les avoir encore bien en tête pour pleinement bénéficier de la charge émotionnelle du récit. Aussi, une petite séance de remise à jour est-elle largement conseillée.

 

Verdict : pour un public averti, et ayant déjà apprécié les deux films précédents de la trilogie. À voir à partir de 15 ans.

 

 

Romain