Le Nom de la Rose *****

De quoi ça parle :

 

Citons Adzo de Melk, le narrateur, qui ouvre le film par ce merveilleux monologue :

 

« Arrivé au terme de ma vie de pauvre pécheur, désormais chenu et vieilli comme le monde, je m'apprête à laisser sur ce parchemin témoignage des faits admirables et terribles auxquels j'ai assisté dans ma jeunesse, vers la fin de l'année du Seigneur 1327. Ah ! Que Dieu m'accorde la sagesse et la grâce d'être le témoin transparent des événements qui survinrent dans une abbaye isolée, au plus sombre du nord de l'Italie... une abbaye, dont même aujourd'hui, il semble pieux et charitable de taire le nom. »

 

Le Nom de la Rose compte l'étrange enquête du moine franciscain Guillaume de Barskerville et de son disciple Adzo de Melk, au sein de cette abbaye sans nom qui, pour quelques jours, va devenir le lieu de tous les enjeux. Alors qu'une réunion exceptionnelle se prépare pour confronter les points de vue bénédictins et franciscain sur la question de la pauvreté de l’Église, des morts mystérieuses commencent à se produire dans les murs du lieu saint. Depuis le scriptorium jusqu'au redoutable labyrinthe de la bibliothèque secrète, les deux franciscains vont devoir affronter le silence voire l'hostilité des moines de l'abbaye, le fanatisme de l'inquisiteur Bernard Guy et, pour le jeune Adzo, la tentation de rompre ses vœux à jamais...

 

Genre : Policier, Historique, Aventure, Drame (tout cela à la fois).

Date de sortie : 1986

 

Qui l’a fait ?

 

Jean-Jacques Annaud, réalisateur français de renommée internationale auquel on doit des films comme La Guerre du feu, L'Ours, Sept ans au Tibet et Stalingrad.

 

 

Qui joue dedans :

 

Sean Connery, le premier interprète de James Bond bien sûr, dont Le Nom de la rose a redéfini la carrière. Ce fut dans les années qui suivirent qu'on le vit jouer dans des films comme Les Incorruptibles, Indiana Jones et la dernière croisade et A la poursuite d'Octobre rouge.

 

 

Christian Slater, alors âgé de dix-sept ans à peine, qui s'illustra ensuite dans Robin des bois – Prince des voleurs, Entretien avec un vampire ou True Romance.

 

 

Michael Lonsdale, qui joue l'intransigeant abbé, et que l'on a vu aussi en méchant du James bond Moonraker (avec Roger Moore et non Sean Connery), mais aussi dans un rôle de moine infiniment plus attachant dans le film Des Hommes et des dieux.

 

 

Est-ce un bon film ?

 

Alors qu'Umberto Eco vient de nous quitter, le moment semble bien choisi pour faire un retour sur un film adapté de son roman le plus marquant. Et disons-le d'emblée, Le Nom de la rose est un pur chef d’œuvre.

 

Pour commencer, l'histoire racontée ici est brillamment orchestrée du début à la fin, avec en son centre une énigme diabolique dont la résolution se révélera totalement satisfaisante. Mais avant d'en arriver là, le spectateur va devoir cheminer avec les deux personnages principaux à travers toutes sortes de dédales. Et s'il y a bien une figure qui représente parfaitement Le Nom de la rose, c'est celle du Labyrinthe. Le film tout comme le roman, reprennent en cela une vision médiévale du monde et s'y tiennent avec une rigueur et une cohérence exemplaire.

 

 

Au cours des deux heures que dure le long métrage, l'atmosphère demeure à chaque instant extraordinaire. Le plus souvent angoissante, elle s'éclaire toutefois de moments de grâce et de poésie qui marquent durablement le spectateur. La galerie de personnages mémorables est très fournie, chaque acteur et figurant étant choisi pour avoir des traits aussi marquants que possible afin de renforcer encore l'étrangeté de l'abbaye, ainsi que la force de son mystère. On citera ici la prestation pleine de dignité de Michael Lonsdale, mais aussi le jeu inquiétant de F. Murray Abraham dans le rôle de l'inquisiteur Bernard Guy (que l'Histoire retient pour avoir prononcé ces mots terrifiants « Tuez les tous. Dieu reconnaîtra les siens. »). Et comment ne pas saluer aussi l'incroyable performance d'acteur de Ron Perlman (Hell Boy) dans le rôle du bossu Salvatore, figure grotesque et pathétique ne s'exprimant que dans un amalgame invraisemblable de toutes les langues d'Europe.

 

Pour être juste, il faudrait s'attarder sur encore une bonne demi-douzaine d'acteurs, car le niveau d'interprétation dans le film est stupéfiant. La paysanne ensorcelante, Ubertin de Casale le franciscain au bord de la folie, l'inquiétant bibliothécaire, le tourmenté frère Béranger, le vénérable Jorge l'amer patriarche aveugle... Tous sont dirigés de main de maître par un Jean-Jacques Annaud en état de grâce.

 

 

Mais les deux acteurs qui portent tout le film sont bien Sean Connery et Christian Slater. Leur relation constitue le cœur de cette histoire, et il s'agit d'une des plus belles illustrations faites au cinéma du rapport entre un mentor et un disciple. L'affection et le respect mutuel qu'ils éprouvent l'un pour l'autre se ressent dans chaque scène, dans chaque réplique, sans jamais que le scénario ne se repose sur des effets faciles. Les non-dits et les aveux, les petites trahisons et les pardons accordés de grand cœur vont émailler le film et investir profondément le spectateur sur le plan émotionnel. Sean Connery est terriblement attachant dans le rôle de Guillaume de Baskerville, d'autant plus charismatique en tant que Sherlock Holmes médiéval que ses imperfections sont on ne peut plus évidentes. La passion qui l'anime pour la connaissance est à la fois sa force et sa faiblesse, et le discours du film nous porte à adopter une vision nuancée du monde à travers lui.

Christian Slater pour sa part apporte à Adzo une innocence et une candeur d'une sincérité absolue. Jean-Jacques Annaud ne l'a guère ménagé quand on sait qu'il n'avait que 17 ans à l'époque, mais le résultat est bel et bien là. Son dévouement passionné pour cette paysanne dont il ignore tout est à la fois beau et triste. Ce sentiment brûlant découle d'un moment de faiblesse chez un enfant ignorant du monde et qui, une fois acquise une nouvelle maturité, va avoir l'occasion de faire des choix d'homme. Le contraste entre la jeunesse d'Adzo et la voix ancienne et pleine de sagesse du narrateur donne au personnage une profondeur inouïe.

 

 

Mais les atouts du film ne s'arrêtent pas à son scénario et à ses formidables acteurs. Les décors de l'abbaye sont un autre de ses aspects les plus marquants. On entend souvent dire d'un lieu important dans un film qu'il s'agit d'un personnage à part entière. Cela a rarement été aussi vrai que dans le cas du Nom de la rose. Jean-Jacques Annaud et son équipe ont consacré beaucoup de temps à d'effort à l'édification du lieu, et le résultat est bluffant. Chaque pièce est pourvue d'une atmosphère unique, regorgeant de détails, avec un travail somptueux sur la lumière et les cadrages pour la mettre le plus possible en valeur. La plus grande réussite du film de ce point de vue là est sans aucun doute la bibliothèque secrète, dont la révélation est l'une des scènes les plus enthousiasmantes du Nom de la rose.

 

Un dernier mot enfin sur la bande-originale. Avec cette composition, ainsi que celle qu'il a faite pour Braveheart de Mel Gibson, James Horner a prouvé qu'il était l'un des musiciens ayant le mieux compris l'essence du Moyen-âge au cinéma. Dès les premières notes, scandées par une cloche d'église aussi mystérieuse qu'inquiétante, le ton est donné. Et à la fin du film, c'est encore la musique de Horner que le spectateur emporte avec lui lorsque le narrateur achève son récit d'une voix brisée par la nostalgie.

 

Toutes ces hyperboles sembleront peut-être exagérées à certains, et il est toujours possible de pinailler en regrettant par exemple que la façon dont les ordres franciscains et bénédictins sont représentés dans l'histoire se révèle parfois caricaturale. Mais il convient de garder en tête qu'un film historique n'est pas une thèse et que sa vocation est avant tout de raconter une histoire belle et touchante. Le Nom de la rose est une œuvre rare, tantôt polar médiéval avec une atmosphère rappelant certain thrillers, tantôt drame historique aux questionnements humains passionnants ; le film se fait parfois récit d'aventure ou pure romance, sans jamais donner l'impression de se perdre en route. C'est une œuvre forte, l'un des tous meilleurs films des années 80, et une référence pour plusieurs générations de cinéphiles.

 

Appréciation : un chef d’œuvre qui mérite amplement toutes les louanges qui lui ont été accordées au fil des années.

 

 

 

C’est pour quel public ?

 

La violence est présente dans le Nom de la rose, il n'y a pas à s'en cacher, mais elle est présentée avec goût et pertinence. Toutefois, on ne peut ignorer que des scènes de torture sont présentes (bien que très brèves) et qu'on assiste à une exécution par immolation sur un bûcher.

Tous ceux qui l'ont vu auront aussi été marqués bien sûr par la scène d'amour centrale, entre le jeune Adzo et la paysanne anonyme. Ce passage aura marqué son temps par sa crudité hors-norme, mais la façon dont il est dépeint est moins voyeuriste que réaliste. C'est là un aspect propre à la carrière et au style de Jean-Jacques Annaud. Il aborde toujours la question de la sexualité de manière directe, et sans effet de style. Mais il n'esthétise pas la chose pour autant, préférant la traiter comme une scène ordinaire.

Pour les deux raisons évoquées plus haut, ainsi que pour la noirceur évidente de l'intrigue, le film est a déconseiller rigoureusement aux spectateurs de moins de 12 ans. Et il mérite également quelques explications pour les adolescents plus âgés qui le verront.

Son traitement de la religion est nuancé et, si le film ne manque pas de nous montrer des personnages profondément fanatiques, ou des moines à l'hypocrisie évidente, la Foi des deux protagonistes principaux est belle et elle ressortira grandie des épreuves qu'ils traverseront.

 

Verdict : pour adultes et adolescents à partir de 12 ou 13 ans.

 

 

Romain