Le Roi et l'Oiseau
De quoi ça parle : Le royaume de Takicardie est dirigé par une main de fer, celle de Charles-V-et-trois-font-huit-et-huit-font-seize, le roi qui déteste tout le monde et que tout le monde déteste. Son pire ennemi c’est l’Oiseau, un toucan irrévérencieux et grande gueule qui prend un malin plaisir à défier sa majesté cruel et stupide. Une nuit, alors que son altesse ronfle ses appartements secrets, ses tableaux prennent vie. Son tableau officiel, tout aussi tyrannique que lui, courtise la peinture d’une bergère qui elle, est amoureuse du tableau d’un ramoneur qui lui rend bien. Ce soir là, ces deux jeunes tourtereaux s’enfuient, pourchassés par le tableau du terrible roi. Sa majesté se réveille mais son tableau parvient à le faire disparaître et à le remplacer. Ainsi commence la fuite des amoureux, bientôt secondés par l’Oiseau et poursuivis par la tyrannique majesté à l’huile.
Date de sortie : 1953 puis 1980
Durée : 87 minutes dans sa version finale
Genre : Film d’animation, aventure
Bande-annonce
Qui l’a fait ? Paul Grimault et Jacques Prevert
Qui joue dedans ?
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Jean Martin : l'Oiseau
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Pascal Mazzotti : le roi Charles-V-et-trois-font-huit-et-huit-font-seize
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Agnès Viala : la Bergère
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Renaud Marx : le Ramoneur
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Raymond Bussières : le Chef de la police
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Hubert Deschamps : le Sentencieux
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Roger Blin : l'Aveugle
Est-ce un bon film ?
Il suffit de voir la page wikipédia du Roi et l’Oiseau pour se rendre compte qu’il n’est pas aisé de parler de ce film. D’abord, sa production a été chaotique, étalée sur 30 ans. Dès la fin de la seconde guerre mondiale, Paul Grimault a l’ambition de réaliser un long métrage d’animation, exploit uniquement atteint par Walt Disney en 1937. Il écrit avec son ami Jacques Prévert, un scénario inspiré par le conte d’Andersen, La Bergère et le Ramoneur L’ambition est grande mais le projet séduit. Le petit studio de Grimault, les Gémeaux, passe d’une dizaine d’employés à une centaine. Les délais sont dépassés. C’est l’incurie financière. Et Grimault est renvoyé. Prévert le suit. En 1953, une version intitulée La Bergère et le Ramoneur mais désavoué par les auteurs sort sur les écrans noirs. Si le succès populaire n’est pas au rendez vous et que la société des Gémeaux fait faillite, la version rabotée du projet impressionne beaucoup les professionnels de l’animation tout autour du monde, et notamment les futurs fondateurs du studio Ghibli. L’aventure ne s’arrête pas là. Grimault rachète les droits du film en 1967 pour imposer sa version. S’ensuit alors un long chemin de croix pour trouver les financements, recréer une partie de l’animation, poursuivre le scénario. L’équipe d’origine est dispersée. Pierre Brasseur qui interprète l’Oiseau dans la première version est mort, Serge Réggiani qui interprète, lui, le ramoneur, a perdu son timbre de jeune homme. Jacques Prévert meurt de maladie en 1977, et finit le scénario sur le fil. Le film, qu’il ne verra jamais, lui sera dédié à sa sortie, en 1980.
Le long métrage est pot pourri de références technologiques, architecturales et artistiques anachroniques qui le rendent insituable chronologiquement parlant. Et donc intemporel. Sa critique du pouvoir, l’usage de la force policière par celui-ci, le dévoiement de l’art au service du tyran sont des thèmes abordés évidement en référence aux différents totalitarismes qui secouèrent le 20eme siècle, mais qui parlera tout autant aux contemporains de n'importe quelles tyrannies. Un idéal anarchiste traverse tout le film. Les différentes strates de la ville, de la ville haute à la ville basse, (qui ne sont pas sans rappeler Métropolis) métaphorisent un rapport de domination, et c’est bien une révolte souterraine qui ira atteindre les hauteurs et qui rendra le soleil aux exploités. La critique la plus virulente présente dans le film est sans doute celle du dévoiement de l’art. A l’exception de l’Oiseau, les premiers résistants à la tyrannie sont des tableaux, tandis que le pouvoir est lui même dans les mains d’une peinture. Les habitants de la ville basse et les prisonniers ne travaillent qu’à la reproduction des images du roi, au spectacle du pouvoir. Cette critique de l’art culmine dans le personnage de l’automate géant et de ses attributs. Son projecteur, sa soufflerie, l’orchestre qui se niche à l’intérieure de son buste et qui se dévoile derrière des rideaux à l’italienne sont autant de références au cinéma. Ce « cinémautomate », utilisé par le Roi est un instrument de domination et de répression, tandis que conduit par l’Oiseau, il se transforme en outil de libération. Un outil qui lui aussi se révèle vivant dans la dernière scène et, jusqu’à la fin, émancipateur.
C'est pour quel public ?
Tout le monde peut le voir. J’irai même le montrer à des peintures pour tenter de les animer.