L'Histoire du géant timide ****
De quoi ça parle :
À 45 ans, Fùsi vit toujours chez sa mère et n’a jamais connu de relation de couple. Son quotidien bien réglé se partage entre son travail de bagagiste dans un aéroport et ses passe-temps à base de reconstitutions en modèles réduits de batailles de la seconde guerre mondiale.
Le nouvel amant de sa mère l’inscrit un jour à des cours de danse country dans l’espoir qu’il fasse des rencontres. Fùsi s’y rend en traînant les pieds, mais il préférera finalement rester dehors. Tandis qu’il attend dans sa voiture garée sur le parking, une femme bloquée par le blizzard lui demande de la raccompagner. Elle s'appelle Sjöfn et sa spontanéité déconcertante prend de court Fùsi qui accepte. Afin de la revoir, il assistera au cours de danse de la semaine suivante.
Lui qui ne sait pas comment parler à une femme va faire de son mieux pour essayer de lui plaire. Mais Sjöfn a ses propres problèmes, comme il le constatera bientôt, et gagner son affection va demander à Fùsi bien plus que tout ce qu’il s’imaginait capable de donner.
Date de sortie : 24/02/2016
Genre : drame, comédie dramatique
Qui l’a fait ?
Dagur Kari, réalisateur islandais de Noi l'albinos, The Good heart et Dark Horse.
Qui joue dedans ?
Gunnar Jónsson, qui a aussi joué dans Béliers, et dans les années 80 dans Le Vol du corbeau.
Ilmur Kristjánsdóttir, actrice et scénariste.
Est-ce un bon film ?
Oh oui, et pourtant je n’y croyais pas au départ.
Pour parler franchement, je ne suis pas un grand amateur de cinéma scandinave. En fait, je serais bien en peine de citer un seul film suédois, norvégien ou islandais qui m’ait plu par le passé. Aussi, lorsque je dis que L’Histoire du géant timide est un petit bijou, croyez bien que j’en ai été le premier étonné.
Le film est remarquable parce que, contrairement à tant d’autres longs métrages, il arrive à dépeindre le quotidien d’un homme effacé sans être le moins du monde ennuyeux. Le mérite en revient à Fùsi, cet homme massif, barbu et dégarni, d’une timidité maladive et d’une gentillesse bouleversante. Avec ce personnage, le réalisateur touche à quelque chose d’universel. Il ne s’agira pas ici de dénoncer le racisme, le sexisme ou de prendre un fait divers pour en tirer une leçon de morale lourdement assenée. L’Histoire du géant timide porte sur un sujet que nous comprenons tous intimement : la difficulté à se lier aux autres.
Ce n’est pas simplement que nous croisons tous les jours des gens qui ont le même problème que Fùsi. La vérité c’est que nous avons tous été lui à un moment ou à un autre de nos vies. Nous avons été ce gamin dont on se moque parce qu’il n’a pas l’apparence qu’il faut. Nous avons été celui que l’on veut pousser à s’intégrer et qui n’en a aucune envie, car les efforts nécessaires à y arriver paraissent presque insurmontables. Nous avons été celui à qui on prête de mauvaises intentions parce qu’il ne rentre pas dans le moule de la bienséance.
Fùsi n’est pas une caricature, un personnage de fable dont on force le trait pour faire passer une idée socio-politique. C’est un être humain dont on peut totalement croire en l’existence. La façon dont il est brimé par ses collègues de travail ne relève pas du misérabilisme facile. C’est du harcèlement ordinaire, d'une navrante banalité.
Chaque scène du film se révèle à la fois divertissante et crédible, ce qui est exactement ce à quoi doit aspirer le cinéma en premier lieu. L’humour est bien présent, distillé par petites touches bien senties. Les moments d’émotion sont à la fois très justes et d’une sobriété rafraîchissante. Tout est pensé dans la nuance, et jamais on n’a le sentiment de suivre mécaniquement une intrigue. Le film dans son ensemble est avant tout un portrait de son personnage, et aussi une histoire d’amour dont le début conventionnel cache en fait une brillante réflexion.
En matière d’amour, rien n’est facile. Pour Fùsi, qui n’a jamais connu de relation avec une femme, la tâche est à la fois colossale et parfaitement à sa portée. Car Fùsi a davantage à offrir qu’il ne l’imagine. Et en matière de dévouement et d’abnégation, il n’a de leçon à recevoir de personne.
À ceux qui me lisent et qui n’ont pas l’habitude d’aller voir au cinéma un film islandais en VO sous-titrée, ou qui préfèrent généralement s’évader avec autre chose que du cinéma réaliste, je vous comprends parfaitement. Mais je vous recommande de faire une exception pour cette fois. L'Histoire du géant timide est le genre de film qui récompense la curiosité artistique. C’est une des œuvres les plus touchantes que j’ai pu voir au cours de ces dernières années, et la leçon qu’elle porte est infiniment nécessaire à nos sociétés modernes où les clichés et les conventions sont la première forme d’oppression.
La fin du film est parfaitement appropriée et ne fait que poursuivre la réflexion d’ensemble. Rien n’est facile en amour, mais c’est en donnant autant que possible que l’on finit par devenir quelqu’un.
Appréciation : un portrait plein de tendresse d'un personnage atypique et attachant, doublé d'un message profondément positif.
C’est pour quel public ?
Le film parle de sujets adultes, mais il conserve sa sobriété et son bon goût du début à la fin. La sexualité est abordée de façon directe sans jamais tomber dans la vulgarité. Aucune violence à signaler.
Le sujet et l’approche réaliste risquent de décourager les jeunes adolescents toutefois, alors il conviendra de le recommander plutôt à partir de 14 ou 15 ans.
Verdict : pour adultes et adolescents, dès 14 ans.
Romain