The Fountain *****
De quoi ça parle :
Dans la jungle du Guatemala au XVIème siècle, trois conquistadors parviennent à l’entrée d’une mystérieuse pyramide gardée jalousement par les mayas. Animé par une volonté de fer, le chef de ce détachement est prêt à tout risquer pour atteindre le secret dissimulé au sommet de l’édifice.
Dans un futur indéterminé, un homme vit dans une solitude absolue à l’intérieur d’une bulle voyageant à travers le cosmos. Sa seule compagnie est un arbre moribond dont il consomme l’écorce jour après jour en un étrange rituel.
De nos jours, le docteur Thomas Creo cherche désespérément un remède au cancer qui ronge son épouse. Celle-ci a accepté l’idée de sa mort prochaine et s’efforce de partager avec lui quelques moments précieux avant leur inévitable séparation. Mais Tommy ne voit que la mort et le moyen qu’il pourrait trouver bientôt de la vaincre… à tout jamais.
Date de sortie : 2006
Genre : Drame / Conte philosophique / Science-fiction
Durée : 1h36
Qui l’a fait ?
Darren Aronofsky, réalisateur américain qui suscita la curiosité avec son premier film Pie en 1998, puis causa un véritable séisme artistique en 2000 avec la sortie de Requiem for a dream, œuvre cauchemardesque sur les ravages de la drogue. Il a depuis connu un succès critique et public considérable avec The Wrestler et Black Swan et a réalisé récemment Noé, avec Russel Crowe. The Fountain est son échec commercial et critique le plus cuisant à ce jour.
Qui joue dedans ?
Hugh Jackman, l’éternel interprète de Wolverine dans la saga X-men qui a joué depuis pour de grands réalisateurs comme Chris Nolan (Le Prestige) ou Tom Hooper (Les Misérables).
Rachel Weisz, actrice anglaise qui commença sa carrière avec du cinéma grand spectacle (La Momie, Constantine) avant de se consacrer à des œuvres plus réfléchies comme Agora, The Constant gardener, My Blueberry nights...
Est-ce un bon film ?
The Fountain m’a grandement déconcerté la première fois que je l’ai vu. Pas nécessairement parce que le récit semble se diviser entre trois intrigues dont le lien n’apparaît pas immédiatement comme une évidence (encore que cela puisse troubler certains spectateurs), mais plutôt pour l’audace folle de son propos, et la démesure de ses ambitions. Car avec ce film, Darren Aronofsky s’est attaqué à un sujet infiniment plus délicat que tous ceux qu’il a traités avant et depuis. Il a voulu exprimer la nécessité absolue de la mort dans la condition humaine. Rien que ça. Et pas seulement sa nécessité, mais sa beauté même ! La puissance philosophique qui se dégage de la simple idée que nos vies sont toutes inscrites dans un temps fini…
Ce n’est pas un discours facile à transmettre, en particulier dans un film à grand spectacle. Car parler de la mort revient inévitablement à évoquer la spiritualité, sujet qui n’est pratiquement jamais abordé de front dans les œuvres de fiction modernes. Or, The Fountain fait exactement cela. C’est ce film rare, ce petit moment de pause au milieu de tous les récits dont on nous abreuve jour après jour où l’on ne va pas chercher à simplement attirer l’attention du spectateur sur une problématique particulière ou sur de classiques enjeux dramatiques, mais plutôt à définir une allégorie universelle à travers deux personnages centraux, Tommy et Izzy, lesquels vont devenir ici un nouvel Adam et une nouvelle Eve.
Et quand je dis qu’il est question de spiritualité, le sujet va être traité de toutes les manières possibles. Les personnages dans les trois récits qui les mettent en scène, vont ainsi aborder le sujet de la croyance en l’immortalité de l’âme, de la confrontation entre les mythes des différentes religions, mais aussi du sens même de l’existence.
Pourtant, le film ne donne à aucun moment l’impression d’être une leçon de philosophie ou de théologie. C’est une expérience avant tout sensorielle, portée par des images d’une beauté sublime, et par l’une des meilleures bande-originales composées à ce jour (par le collaborateur régulier de Darren Aronofsky, Clint Mansell, qui avait déjà écrit la mélodie entêtante de Requiem for a dream).
Les deux acteurs qui portent le film livrent ici leurs toutes meilleures prestations. Les personnages de Tommy et de son épouse sont des êtres humains complexes dont les sentiments nous sont livrées tantôt de façon brute, tantôt par des nuances à peine perceptibles mais terriblement riches de sens. Le film peut se voir et se revoir de nombreuses fois, et je dirais même que la chose est à encourager tant j’ai vu mon émotion et ma compréhension de l’œuvre s’accroître après plusieurs visionnages.
Aronofsky est un cinéaste radical, dont la maestria rappelle rien de moins que celle d’un Stanley Kubrick au même âge. Avec le temps, ce film sera peut-être reconnu comme son meilleur, une œuvre d’une densité inouïe, qui jamais pourtant ne sombre dans la lourdeur ou le discours pontifiant, préférant emporter son spectateur dans un voyage presque onirique en direction des étoiles. Le long pèlerinage intérieur et extérieur que doit effectuer Tommy est celui que nous devons tous faire. Il repose sur une capacité à renoncer à ce qui nous est superflu pour rechercher l’absolu qui manque à notre existence. La mort apparaît alors comme la dernière des frontières, non faite pour être repoussée, mais attendant au contraire qu’on la franchisse le cœur léger, prêt à s’abandonner à la seule force qui anime vraiment l’univers.
Appréciation : une œuvre d’une extraordinaire audace, replaçant la vie humaine dans son véritable contexte, à savoir une antichambre avant l’éternité. Un film à voir, à revoir et à méditer, seul ou en famille.
C’est pour quel public ?
Si le film n’est pas une œuvre violente par nature, il contient quelques scènes intenses durant lesquelles le sang est versé. Plusieurs tournent autour d’un personnage d’inquisiteur particulièrement sinistre lequel peut être vu comme une charge contre la religion catholique, mais ce serait faire au film un faux procès dans la mesure où la recherche du divin est au centre des préoccupations des personnages, et que l’on trouve aussi dans la même sous-intrigue un prêtre représenté comme une figure positive.
Ces moments de dureté sont d’ailleurs assez brefs, et ne font qu’appuyer le contraste qui existe entre les peurs propres à notre monde (sources de tous les fanatismes), et les révélations personnelles auxquelles chacun peut aspirer s’il vit une spiritualité saine.
Le film ne prend jamais le parti d’une religion contre les autres, mais il puise cependant abondamment tant dans les mythes chrétiens que mayas pour arriver à sa conclusion grandiose.
Verdict : visible à partir de 14 ans, tant pour l’intensité de certains passages que pour apprécier la richesse des thématiques abordées.
Romain
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