The Giver

The Giver

De quoi ça parle ?

 

Dans le futur, au sein d’une société « parfaite », où sont absents malheur et violence. La recette miracle : les émotions ont été supprimées grâce à l'effacement de la mémoire, de toute trace d'histoire. Tous les individus sont conditionnés pour se comporter de façon préétablie, en fonction de leurs qualités et des besoins. Et leur seule préoccupation est de remplir le rôle que la doyenne leur confie.

Le Passeur est la seule personne qui peut se souvenir du passé, en cas de nécessité, pour conseiller les dirigeants. Le jeune Jonas, 16 ans, est choisi pour être le nouveau Passeur. Son initiation commence doucement, et s’accélère brutalement ! Un choc dont il ne se remettra pas …

 

Date de sortie : 29/10/2014

Durée : 1h 37

Genre : Science-fiction, Drame

 

Bande-annonce

 

Qui l’a fait ?

 

Phillip Noyce, réalisateur australien de 64 ans, est connu pour ses films d’espionnage, et pour avoir dirigé entre autres Harrison Ford. Jeff Bridges, qui incarne le passeur, est aussi le producteur du film – c’est lui qui souhaitait adapter le roman éponyme de Loïs Lowry.

 

Est-ce un bon film ?

 

Adapté d’un classique de la littérature de jeunesse, le film se présente comme une dystopie, une anticipation pessimiste de la société présentant un social qui écrase l’individu, comme tant d’autres films de la catégorie (Hunger Games, Divergente…).

Précurseur, c’est de son grand-père que Lois Lowry a puisé son inspiration originale pour The Giver. Elle se souvient l’avoir vu peu à peu perdre sa mémoire et bien que ce fut un traumatisme pour elle, elle ne pouvait s’empêcher de voir que le vieil homme était plus heureux de ne pas se souvenir des tragédies de sa vie, comme la guerre et la perte d’un enfant. "Cela m’a fait réfléchir à l’importance de la mémoire et comment on peut la manipuler", ajoute-elle. En ce qui concerne l’environnement aseptisé où évolue Jonas, elle s’est directement inspirée des bases militaires dans lesquelles elle a grandi : "C’est vrai que vivre au sein d’une société où tout est réglementé a des avantages, mais la réalité c’est aussi que plus vous tentez d’exister comme individu dans ce type d’environnement, plus c’est difficile".

 

 

Le scénario du film a fait le choix de vieillir le personnage du héros : Jonas, âgé de 12 ans dans le roman, en a 16 ici – on a également ajouté une histoire d’amour pour intéresser les adolescents, cible privilégiée lors de la sortie en salles.

Pour autant, ce film est assez différent d’autres œuvres dystopiques.

 

Assez lent, il s’ouvre sur une cérémonie remarquable, qui pose la question de la famille (les nourrissons sont attribués à des foyers), de la vocation (les jeunes gens sont affectés à un rôle, après ce commentaire « merci pour ton enfance ») et du devenir humain (les anciens sont promis à « l’élargissement »).

Le film s’attarde sur la découverte de cette société post-violence : anesthésie chimique des émotions (par injection quotidienne), choix des décors (maisons vintages, drones et laboratoires froids), esthétique de la photographie (un noir et blanc assez gris, mal tranché, qui va se mâtiner de couleurs au fur et à mesure que le passé confère des émotions à Jonas), questions de langages (une politesse générale qui permet d’éviter la violence, en formatant les individus, en les empêchant de nommer ce qui effraye) et « portrait » de la cellule familiale (sans amour, purement utilitaire, deux humains étant désignés pour vivre sous le même toit, apparemment sans sexualité, et élever des humains qu’ils n’ont pas conçus)… Tous ces éléments de description suffisent à faire du film un objet de discussions fécond, de débats en famille, sur la violence et la liberté. Autre élément notable (et discutable) : les femmes (la mère, la doyenne) sont ici présentées comme les gardiennes impavides de l’ordre établi. Seuls les hommes doutent…

 

 

Le récit, initialement centré sur l’entrée dans l’âge adulte de trois jeunes gens, bascule assez vite dans la prise de conscience du héros, Jonas : au fur et à mesure qu’il accède à des souvenirs, grâce au Passeur, il va identifier des émotions. La palette de son vocabulaire va s’élargir, et subvertir la politesse familiale et sociale omniprésente : il nomme précisément des sentiments, créant du trouble. Les souvenirs sont des sources de désordre, qu’il s’agisse de passions positives (trop impérieuses et violentes), ou de souvenirs douloureux.

Le rôle de l’histoire, de la mémoire est évidemment au centre de la réflexion : si elles ne rendent pas libre, elles préviennent et rendent chacun responsable. Pour échapper aux injections, les adolescents utilisent le truchement d’une pomme – qui leur permet l’accès aux émotions, à la mémoire – et ce faisant à la connaissance du Bien et du Mal.

La place conférée à la naissance et à la mort dans le récit est également passionnante : c’est lorsque le héros comprend que « l’élargissement » des anciens est une euthanasie qu’il conçoit la monstruosité de la société. C’est autour de la place des nourrissons, de leur attribution à des familles, de leur suppression (s’ils ne sont pas « conformes ») ou de leur survie éventuelle que sa rébellion et celle de la jeune Fiona se déclenche. La transmission intergénérationnelle, et l’amitié, les affinités électives (« fraternelles » et amoureuses) ou amicales, s’avèreront les « armes » qui libèrent, permettent d’échapper à l’aliénation.

 

Très riche, donc.

 

Notre avis : adaptation réussie d'un classique de la littérature jeunesse au propos pertinent et fort.

 

 

 

Verdict : à voir dès 12 ans.

 

 

Pierre