The Tree of life *****
Ça parle de quoi ?
D’après ce que les – impossibles – tentatives de résumer laissent injustement entendre, The Tree of Life serait l’histoire d’une famille, et d’un homme désœuvré face à la mort d’un enfant. Mais c’est abaisser l’œuvre à un produit mercantile, et faire croire à son futur spectateur qu’il s’agit d’un film accessible, classique, avec un début, un milieu, et une fin. L’intéressé n’étant pas averti de la complexité de l’œuvre, cette publicité mensongère le conduit inévitablement à être déçu et à conclure que le film cherche à perdre orgueilleusement son spectateur. Mais il se trompera et passera à côté d’une expérience si riche qu’elle aurait pu révolutionner son quotidien.
Si The Tree of Life a été lauréat de la Palme d’Or en 2011, et du César du meilleur film en 2012, c’est bien parce qu’il a touché quelques cœurs… Pourquoi pas le vôtre ?
Quelques clefs de lecture pour aider les spectateurs aventureux :
- Laissez-vous émerveiller par des images qui n’ont d’autre but que d’être belles, et de révéler ainsi la beauté du monde. Recevez-les comme un cadeau orignal.
- Ne vous évertuez pas à chercher une intrigue, elle n’existe pas. Constatez plutôt que l’intrigue au cinéma tend à être secondaire.
- Mais aussi, ayez en tête la phrase introductive prononcée par la mère :
« Les religieuses nous ont appris qu’il y avait deux chemins pour traverser la vie : le chemin de la nature et le chemin de la grâce, on doit choisir lequel suivre. »
Schématiquement, le père joué par Brad Pitt incarne le chemin de la nature, et la mère celui de la grâce. Le fils ainé, interprété par Sean Penn à l’âge adulte, est tiraillé par ces deux exemples contradictoires et son combat est celui de tout homme, cherchant à être absolument bon alors que sa condition humaine l’en empêche. Le combat de la vie terrestre est alors celui-ci, qui consiste à garder les pieds sur terre et la tête dans les étoiles, à gagner chaque jour son pain en oubliant jamais qu’il n’est pas l’essentiel.
The Tree of Life, c’est une ode à la vie, un poème magnifique qui invite à l’émerveillement d’abord, et à la réflexion ensuite. C’est un long chemin, tortueux, sans signalisation, brumeux, mais comme en amour, ce sont les épreuves qui font grandir, au cinéma ce sont des réalisateurs comme Terrence Malick qui élèvent le spectateur. Encore faut-il que ce dernier prenne son courage à deux mains et choisisse de suivre le réalisateur coûte que coûte.
Pour ceux qui auraient envie de chercher encore plus loin, je vous conseille la lecture du script original par Terrence Malick – en anglais – qui est en lui-même une œuvre splendide, et permet de mieux comprendre la symbolique des images du film. Si le courage vous manque, je peux aussi vous mettre à disposition un petit mémoire rédigé par mes soins, au sujet de L’Homme et la Nature dans The Tree of Life.
Qui l’a fait ?
Terrence Malick serait originaire du Texas, à Waco, né le 30 novembre 1943 dans une famille d’origine assyrienne. Il étudie brillamment la philosophie à Harvard puis Oxford, et obtient une licence avec sa thèse sur le livre Sein und Zeit (Être et Temps) de Martin Heidegger, qui influence amplement sa vision du monde, notamment révélée dans The Tree of Life. Enseignant en philosophie, et journaliste successivement chez Life et le New Yorker, il assiste par hasard à un cours de cinéma, et découvre sa véritable vocation. Il décroche à L’American Film Institute un diplôme et réalise son premier court-métrage, Lanton Mills (1971). Loin de satisfaire le cinéaste exigeant, cette première réalisation lui permet au moins de rencontrer son agent Mike Medavoy, qui lui ouvrira les portes d’Hollywood. Seulement deux années plus tard, il sort son premier long métrage, déjà empreint d’un style bien personnel et remarqué à travers le monde. Badlands marque le début d’une carrière à l’image d’une ”étoile filante”, comme Fabien Maray s’amuse à nommer Terrence Malick, ses œuvres étant peu nombreuses, apparaissant de manière explosive, quand on ne s’y attend plus, tout comme son personnage: «Une lueur blanche et silencieuse qui scintille dans l’obscurité vide. Une trace de beauté, insaisissable, qui nous invite à regarder plus haut, plus loin, à s’émerveiller de ce qui nous dépasse.»
Terrence Malick est un aventurier de l’esprit, à travers ses films, il arpente les sillons de l’intelligence humaine, ses faiblesses, sa grandeur; il l’expérimente dans une exigence personnelle et partage ses découvertes sur grand écran. Ne perdant jamais de vue l’itinéraire de son voyage au le cœur de l’homme, il prend soin de ne pas succomber à la traque des journalistes, au tourbillon hollywoodien superficiel, et n’apparaît jamais en public – ce qui explique une approche subjective de sa biographie, et de son œuvre.
Appréciation : Un très grand chef d’œuvre, qui ouvre un nouvel espace de création au cinéma, et dit l’essentiel de ce que nous cherchons sur terre.
Qui joue dedans ?
Brad Pitt, l'acteur de Fight Club, Seven, Snatch ou plus récemment Inglorious Basterds.
Sean Pean, l'acteur de Milk, The Game, 21 grammes et Mystic river.
Jessica Chastain, vue dans Démineur, Interstellar et Crimson Peak.
C’est pour quel public ?
Si vous avez une petite boule tout au fond de vos entrailles qui vous crie sa soif de sens, ce film est fait pour vous. Cependant soyez avertis qu’il ne s’agit pas -- d’abord – d’une partie de plaisir, il faut faire un effort, avoir l’esprit vif, choisir de le regarder quand on est en pleine forme (éviter le jeudi soir après une dure journée de travail)… Je vous garantis que votre effort sera grandement récompensé, et si ce n’est pas le cas, « je jure de ne plus jamais me raser la tête, ne plus jamais me raser la tête »* ! S’il n’y a pas de grandes scènes de violence sinon celles de la vie quotidienne, je ne conseille cependant pas ce film aux enfants, ni aux jeunes adolescents. Jeune adulte et adulte, oui !
Verdict : Un film pour des adultes avertis, en forme, et avides de sens.
*citation d’Astérix et Obélix, mission Cléopâtre… Un bon film aussi !
Juliette Mrc